Aventure FrenchKiss

Le récit d'une année à voile en famille.


4 Commentaires

Le poisson coffre

Poisson coffre

Poisson coffre

Voila déjà neuf  jours que nous sommes dans l’archipel des Saintes en Guadeloupe.  Les enfants sont avec  Ulrich le potier, unique habitant de l’Îlet Cabrit, personnage aussi fascinant que mystérieux qui se fait un plaisir d’enseigner son art aux enfants.   Pendant qu’Esther se repose juste à côté sur la plage, j’en profite pour aller faire ma plongée journalière, moment de pure détente après une journée toujours très occupée malgré ce que les gens pensent de la vie sur un bateau!   En me laissant tranquillement dériver dans le courant, je prends le temps de savourer l’instant présent et de me rappeler que je suis au cœur de ce projet que nous avons préparé depuis tant d’années.  Nous sommes aux Saintes, lieu qui m’a interpellé tant de fois par le passé en étudiant les cartes marines des Caraïbes par les grands froids d’hiver depuis ma chambre sur la rue Querbes.

***

Depuis que nous avons aperçu les côtes verdoyantes de la Guadeloupe nous avons été envoutés par celle qui se fait surnommer l’émeraude des Caraïbes.   Dès que nous avons jeté l’ancre à Deshaies, nous avons été charmés par ce petit village de pêcheurs au charme créole  et sa petite église, tout en retrouvant la richesse de la culture française;  la bonne bouffe, l’architecture, le charme des petits cafés et boulangeries, etc.  Esther était aux anges de retrouver les petits Casinos ou Leader Price pour ravitailler le navire et concocter de délicieux repas à son équipage.  Que dire des bons vins Français, sinon qu’ils sont un nectar pour le palais à moins de 6 Euros!   Basse terre est surplombée par d’imposantes montagnes abruptes qui se noient dans la côte sur des plages de sable noir volcanique, un contraste avec les îles que nous avons visitées depuis notre départ.  Une forêt luxuriante est omniprésente et d’une richesse incroyable.  La visite du jardin botanique de Deshaies, ancienne résidence du regretté Coluche, nous fait découvrir ces merveilles avec vue sur notre FrenchKiss dans la baie tout en bas.   Notre prochain arrêt était à l’île Pigeon qui fait partie de la réserve Cousteau, site protégé faisant partie du parc de la Guadeloupe.  C’est incroyable ce que quatre petites bouées délimitant un parc marin ou la chasse, pêche et ancrage sont interdits peuvent  faire.    Les fonds marins sont merveilleux, une myriade de poissons dans une eau cristalline  nous attendait à chaque plongée et nous y avons croisé tellement de tortues que nous ne les regardions à peine après quelques jours.  Un autre rappel de l’impact de l’homme sur notre environnement.

Nous avons eu la chance d’y faire la connaissance d’une sympathique famille de français avec leur fille de 10 ans. Une première depuis notre départ car, à notre grande déception, les navigateurs  sont principalement des couples sans enfants ou des retraités, à croire que nous sommes les seuls assez débiles pour se lancer dans une telle aventure!!!   Isabelle et Guillaume ont construit leur superbe bateau à partir d’une coque de 80 pieds destiné à la course au grand large en équipage mais qui avait été abandonné dans un hangar de Sète après l’échec du projet.  Une merveille de voilier, un bolide de course convertit à la plaisance où tout a été fabriqué de leurs propres mains.  Il est toujours fascinant et inspirant de rencontrer des personnes qui réalisent leur rêve à force de travail et détermination.   Les apéros bien arrosés nous ont permis d’échanger sur nos péripéties et de partager cette expérience que nous vivons… et que dire des enfants !   Sacha et  Noah sont tombés sous le charme de la grande et belle Angélina qui nous a fait bien rire avec sa hantise des traversées malgré avoir réalisé l’exploit de se taper l’Atlantique avec ses parents!!!  Et par surcroît, enfin un moment de répit pour les parents; c’est beau la vie en symbiose familiale mais bordel que ça fait  du bien de les voir disparaître avec Angelina pour quelques heures dans les contrebas de « The Pearl » sans les entendre crier!!!

Tout cela nous a amené aux Saintes.  Petit paradis au sud de la  Guadeloupe où le petit village de Bourg des Saintes nous accueille avec ses maisons aux toits rouges et ses rues  vivantes.  Impossible de ne pas être charmé par ses habitants, son accueil et ses paysages.  Chaque matin, on vient nous livrer au mouillage nos croissants et notre baguette fraîche  jusqu’à notre lavage déposé la veille.  Le ponton des annexes est bien aménagé, le QG de la société de gestion du parc nous offre le WiFi haute vitesse avec choix de café ou bière froide  et l’eau coûte 1$ le 100 Litres…tout a été pensé pour les plaisanciers…un paradis!!!  Le mouillage étant un peu rouleur en raison de la forte houle qui s’éternise cette année,  nous avons opté pour se déplacer à ½ mile  sur l’îlet Cabrit où bien protégés, nous sommes comme sur un lac….avec en prime une île déserte et un récif de corail!!

***

A travers mes rêveries, sans bouger, j’observe le spectacle qui se déroule quelques mètres plus bas.  Les carangues s’activent à chasser les petits poissons qui  se sauvent à vive allure, le poisson perroquet broute le corail avec son bec,  la murène sort la tête de son trou avec sa grande bouche ouverte en croyant me faire peur, un superbe poisson lime de 50cm nage sur le côté, au ras du fond tout en changeant de couleur selon le soleil qui perce à travers les nuages  afin de mystifier ses proies et les frapper de son dar…et à travers toute cette effervescence, un bébé poisson coffre, d’à peine 6 ou 7 cm fait aller ses petites nageoires afin de rester près de sa cachette logée dans une tête de corail malgré le fort courant qui sévit.  Il est tellement mignon avec ses grands yeux, ses petites cornes au dessus des yeux et son camouflage noir et blanc….nous nous observons mutuellement de longues minutes avant que l’appel de l’apéro me ramène à la réalité…je nage en plein bonheur!!!

***

Dès le lendemain, nous levons l’ancre pour Pointe à pitre;  une escale technique qui nous permettra de se ravitailler et de louer une voiture afin de visiter l’intérieur de l’île.  Malgré les petits 21 miles qui nous séparent de notre destination, cette traversée implique un passage ce qui ne doit jamais être pris à la légère.  La météo est bonne et malgré quelques grains au départ qui nous ralentissent, notre progression se fait selon les plans.  La mer est toujours  assez forte avec ses 2.5m de creux mais bien appuyé dans ses voiles, FrenchKiss avance bien.  Une fois la pointe sud de Basse-terre atteint,  je peux abattre de 15 degrés et ainsi au travers, FrenchKiss s’envole sans une vibration et pointe à 8…9 nœuds en brisant les vagues dans son élan…..et…..un petit miracle se produit.

Je vois Sacha descendre se chercher un livre et lire avec son frère, Esther quitte sa position de navigation, soit couchée de tout son long et s’assoie en admirant le ballet des cargos qui transitent vers Pointe à pitre….mon équipage de morse est en train de se transformer.  Je décide de ne rien dire afin de ne pas briser ce moment de grâce…je demande :

-Qui a faim?

-Moi….moi….. et moi aussi!

Wow…je ne m’attendais pas à ça.  Me voila à préparer le lunch pour Esther et les garçons qui vont manger avec appétit en pleine traversée sous 20 degrés de gîte!!! Et pour une fois, il ne sera pas dégueulé dans les prochaines minutes!

4 heures plus tard, nous sommes ancrés et bien excités d’aller découvrir cette nouvelle terre qui s’offre à nous. Vite, on cherche une location de voiture mais impossible à trouver car il y a une grève générale des détaillants d’essence sur l’île…vive la France!!   Esther, fidèle à son habitude, réussit à séduire un concessionnaire de voitures et nous voilà avec une rutilante Peugeot rouge pleine d’essence.  Pourtant, la porte du commerce indiquait bien :  Désolé, PLUS aucune voiture de disponible… J’aime ma femme, et ne veut pas savoir comment elle s’y est prise pour arriver à ses fins!

Nous voilà donc, téléportés en moins de deux dans un supermarché Casino Géant. Tout excités par cette abondance s’offrant à nous, nous défilons dans les allées comme des malades et faisons exploser le budget bouffe du mois….  Les néons nous grillent rapidement les yeux et nous avons vite envie de battre le connard qui annonce constamment  ses promotions au micro… La migraine nous prend.  J’ai le mal de terre et je suis sonné de notre journée de voile en plein cagnard.  J’arrive devant le comptoir de fruits de mer et que vois-je?  Poisson coffre en spécial à 18 euros le kilo!!  Six beaux spécimens sont exposés sur la glace, les yeux vitreux et ayant perdu toute leur couleur et leur magie.  Je pète ma coche et dit à Esther « on dégage! »

Malgré notre voiture pleine de courses, nous n’avons pas le courage de rentrer et faire la cuisine…la journée se termine sur la terrasse d’un joli restaurant asiatique.  En prenant une gorgée de rosé bien frais, Esther me dit :

-J’ai un truc à te dire…

-Quoi, tu as un amant?

-Non,  c’est par rapport à aujourd’hui….c’est la première fois que j’étais déçue lorsque tu m’as dit qu’on arriverait dans moins d’une heure….j’étais tellement bien que j’avais envie que ça continue.

-Je le savais….je t’ai vue…. je l’ai senti.

Ça peut paraître banal, mais voilà une grande étape de franchi pour notre équipage…la piqûre de la voile s’est propagée à Esther et aux enfants…ils me demandent déjà quand nous allons repartir.  Sacha nous avoue même qu’il préfère maintenant naviguer au lieu de faire l’école.

Ça promet tout ça!

Pour nos dernières photos de la Guadeloupe, vous pouvez aller au lien suivant:

http://flic.kr/s/aHsjRYE9UG

 

PS: Encore merci pour vos commentaires qui sont toujours appréciés.  

Nos escales en Guadeloupe

  • Deshaies
  • Ile Pigeon (Bouillante)
  • Les saintes – Terre d’en haut
  • Pointe à Pitre